Appel du Mardi 9 Mars 2021 – Il faut dissoudre l’ordre des médecins

Comme 25 autres organisations (organisations professionnelles de médecins, syndicat et associations), nous avons signé cet appel, qui vise à la dissolution de l’ordre des médecins.

Après le rapport accablant de la Cour des Comptes paru en décembre 2019, l’ordre des médecins tente de se justifier et réaffirme « être au service des médecins dans l’intérêt des patient·e·s ». Comme pour l’ensemble des ordres des professions de santé, l’ordre des médecins se présente comme indispensable. Qui l’ordre sert-il vraiment ? Dans l’intérêt de qui ?

1 – L’ordre des médecins affirme représenter l’ensemble des médecins et se targue de pouvoir ainsi conseiller les pouvoirs publics. Mais l’unité professionnelle qu’il affiche est factice. L’obligation faite à chaque médecin de s’y inscrire pour pouvoir travailler conduit l’ordre à être de fait un syndicat obligatoire. Les médecins ne choisissent donc pas d’être représenté.e.s par l’ordre, ils et elles y sont contraint.e.s. Et encore représentés est un grand mot, puisque la participation aux élections départementales est à moins de 30%. Les autres élections sont pyramidales. La démocratie à l’ordre n’est donc ni directe ni représentative. Le rapport de la Cour des Comptes montre bien que sa gouvernance est sociologiquement peu représentative de l’ensemble des médecins en exercice et surtout qu’elle est fermée avec des cumuls de mandats très fréquents. Nous sommes donc en droit de nous demander à qui bénéficient les « conseils » de l’ordre des médecins, a fortiori face à la désorganisation territoriale des soins de premiers recours mais aussi de second recours, sans parler de la crise majeure que traverse l’hôpital public. L’ordre a longtemps pris position contre l’exercice collectif de la médecine, il fait aujourd’hui preuve d’un silence assourdissant face à la privatisation à peine masquée de l’hôpital. Les institutions publiques n’ont visiblement pas besoin de l’ordre pour les « conseiller » et s’intéressent plus aux notes de think-tanks libéraux qu’aux commissions obscures de l’ordre. Les médecins ont toute liberté pour adhérer à des syndicats qui se chargent déjà de les représenter et de défendre leurs intérêts.

2 – L’Ordre des médecins se présente comme le garant de la déontologie dans le double but de veiller à la qualité des soins et de défendre l’indépendance et l’honneur des professionnel-le-s. De quelle qualité des soins parle-t-on lorsque l’ordre des médecins conteste le droit à l’IVG pour toutes les femmes ? ou bien lorsqu’il s’oppose au tiers-payant, outil pourtant indispensable à un accès aux soins pour toutes et tous ? Le président actuel de l’ordre des médecins défend ainsi l’existence des dépassements d’honoraires (dont il a bénéficié lui-même dans son exercice professionnel en Seine St Denis) alors que cette pratique remet explicitement en cause l’égalité d’accès à des soins de qualité pour tou·te·s. De quelle indépendance parle-t-on lorsque l’ordre se montre complaisant vis-à-vis des pratiques corruptives exercées par l’industrie pharmaceutique au profit des médecins ? De quel honneur parle-t-on lorsque l’ordre des médecins couvre des soignants violeurs et pédo-criminels, pourtant dénoncés par les patient·e·s victimes ou leurs proches ? Le code de déontologie étant inscrit dans le code de santé publique, le droit commun peut tout à fait en être le garant. Les évolutions pourraient se faire dans un processus concerté entre professionnel·le·s et usager·e·s du système de santé avec le concours du Comité National d’Éthique, comme ce fut le cas pour les dernières lois de bioéthique.

3 – L’Ordre des médecins met en avant sa capacité de conseil juridique lors des démarches d’installation, sur les différents statuts et contrats, alors que d’autres structures telles les Unions Régionales des Professionnel·le·s de Santé, les syndicats ou les plateformes d’installation des ARS sont parfaitement aptes à renseigner les médecins.

4 – L’Ordre souligne sa capacité d’entraide pour les professionnel·le·s en difficulté et /ou leurs familles grâce à des fonds dédiés. Le rapport de la Cour des Comptes montre explicitement que les premiers bénéficiaires de cette « entraide » sont les conseillers ordinaux eux-mêmes avec des indemnités pouvant aller jusqu’à près de 10 000€ /mois bruts pour le président national qui exerce cette fonction « bénévolement » ! L’ordre semble être aujourd’hui dans l’incapacité de rendre des comptes clairs et exhaustifs sur son patrimoine, initié par la confiscation des biens des syndicats médicaux en 1940 puis développé par les cotisations obligatoires des médecins. Quelle drôle de solidarité !

5 L’Ordre des médecins dit veiller au maintien de la compétence et de la probité des médecins. En réalité il se montre incapable d’identifier les situations problématiques liées à des praticien·ne·s dont l’insuffisance professionnelle ou l’état de santé rendent dangereux l’exercice de la médecine. Malgré sa volonté affichée d’assurer la gestion de la formation continue (DPC), il ne porte à ce jour aucun regard sur les obligations légales de formation qui incombent à chaque médecin. Les inscriptions au tableau valant droit d’exercer pourraient être gérées par le Ministère de la santé (via les Agences Régionales de Santé ? ou tout autre organisme public ?) sous forme d’un registre. Ce dernier vérifierait alors la validation de la formation initiale puis le contrôle de l’obligation de la formation continue (possiblement en lien avec l’ANDPC qui agrée déjà la plupart des organismes de formation). Les médecins sont des humain·e·s comme les autres, c’est pourquoi ils/elles ont besoin, non pas d’un ordre professionnel, mais d’un véritable service de santé au travail pour les accompagner en cas de diminution de leurs facultés physiques et/ou psychiques.

6 – L’Ordre déclare également assurer un rôle d’instance disciplinaire pour les médecins qui ne respecteraient pas les principes de la déontologie. Mais il s’agit d’une justice d’apparat sans compétence juridique réelle. Les jugements sont rendus sans possibilité d’enquête, donc sans contrôler si les faits sont établis ! Les chambres de conciliation appliquent un pseudo respect du contradictoire en contrevenant ouvertement au respect du secret médical. Ce qui aboutit d’un côté à une « tolérance » vis-à-vis de médecins ayant commis des actes violents envers des patient·e·s et de l’autre côté à la condamnation des médecins qui ont établi un lien entre des pathologies et des conditions de travail, c’est-à-dire pour avoir utilisé leurs compétences médicales et fait leur travail. Cette justice d’exception se fait au détriment des intérêts publics et des patient·e·s; elle n’a donc aucune raison d’être. Le droit commun (pénal et/ou civil) est parfaitement capable de remplir ces fonctions juridiques à condition qu’on lui donne les moyens associés, notamment la possibilité de prononcer des sanctions limitant l’exercice médical. Ces différents éléments prouvent l’inutilité de l’ordre puisqu’il se montre incapable de réaliser les missions qui lui sont confiées (voire qu’il s’est arrogées lui-même), et qu’il existe déjà des institutions (ou des organismes publics) pouvant les assurer, sous réserve de leur donner les moyens humains et financiers à la hauteur. Nous insistons sur le fait que cette institution protège des professionnel·le·s de santé corrompu·e·s et maltraitant·e·s, tout en maltraitant des usager·e·s du système de soin et des professionnel·le·s qui tentent de respecter leur éthique professionnelle. Les personnes qui ont à se plaindre de médecins ont donc tout intérêt à se tourner vers la justice de droit commun et non vers cet apparat de justice qu’agite l’ordre des médecins.

Nous demandons donc sa dissolution immédiate et appelons l’ensemble des professionnel·le·s concerné·e·s et plus largement la société tout entière à s’emparer de ce sujet, car la santé est une question bien trop sérieuse pour la confier aux seul·e·s médecins.

Organisations signataires :  Syndicat de la Médecine Générale – Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes – Mouvement d’Insoumission aux Ordres Professionnels – Union Fédérale des Médecins, Ingénieurs, Cadres et Techniciens–CGTAssociation Santé et Médecine du Travail – Pour Une Meuf – Méchandicapés – Stop Violences Obstétricales et Gynécologiques – Touche Pas à Mon Intermittente – Collectif National des Droits Des Femmes – Marche Mondiale des Femmes de FranceAssociation LaSantéUnDroitPourTous – Coopération Patients – Les Dévalideuses –  CLE Autisme – Association européenne contre les Violences faites aux Femmes au Travail – UGICT CGTHéro-ïnes 95 – Compagnie Les Attentives – Globule Noir – Parents et Féministes  – ANos Corps Résistants – Coordination des Associations pour le Droit à l’Avortement et à la Contraception – Coordination Action Autonome Noire – Le Village 2 Santé- Sud Santé Sociaux.

   

Communiqué de presse – recours au conseil d’état

Coopération Patients et huit autres associations de patients attaquent auprès du Conseil d’État le décret du 10 novembre 2020 sur les travailleurs à risque de forme grave de Covid-19.

Voici notre communiqué de presse commun :

Paris, le 23 novembre, 2020

Neuf associations de patients attaquent auprès du Conseil d’État le décret gouvernemental du 10 novembre 2020 concernant les travailleurs à risque de forme grave de covid-19.

Le 10 novembre dernier, paraissait un décret concernant la mise en œuvre du chômage partiel pour les personnes vulnérables.

Neuf associations de patients attaquent auprès du Conseil d’État ce texte sur les points suivants :

  1. Le périmètre des pathologies concernées : ce décret ne respecte pas l’avis du HCSP (daté du 29 octobre) et écarte du dispositif de chômage partiel de nombreux citoyens vivant avec des facteurs de risque de forme grave de Covid19 et de décès. Parmi les pathologies
    « manquantes »1, l’insuffisance rénale de stade 3 à 5, ce stade étant associé à un sur-risque significatif très élevé.
  2. Les proches de personnes vulnérables sont exclues du dispositif de chômage partiel : ce décret efface la protection des proches cohabitant avec les personnes vulnérables – les exposant à un risque vital en cas de contamination dans leur foyer.
  3. L’inversion de la charge de la preuve en cas de litige : l’accès au chômage partiel n’est plus la norme mais devient l’exception. Le recours au télétravail est laissé à la discrétion de l’employeur, ainsi que l’application des mesures de protection renforcées. Les travailleurs estimant leur protection insuffisante, peuvent, certes, engager une démarche contre leur employeur via la médecine du travail. La réalité est que la nature conflictuelle de cette démarche est dissuasive pour les salariés.
  4. Les mesures de protection renforcées prévues dans le décret sont insuffisantes : aucune mention de la nécessité d’aération ou de filtration de l’air des lieux de travail pour limiter la transmission par aérosols, distanciation recommandée à 1m alors qu’au moins 2m à 2,5m sont nécessaires, etc.

L’objectif n’est évidemment pas d’éloigner de leurs lieux de travail les personnes vulnérables. Beaucoup ont d’ailleurs choisi de reprendre le travail en présentiel, dès lors que les conditions de leur sécurité sont réunies. Ce n’est malheureusement pas toujours possible.

Nous souhaitons que chaque personne vulnérable puisse vivre avec le virus, en ayant les moyens et le droit de s’en protéger et d’en être protégée. Il faut pour cela qu’elle puisse trouver les conditions de sécurité adaptées au risque qu’elle encourt, sans avoir à choisir entre sa santé et ses ressources.

1 En plus de l’insuffisance rénale, les autres facteurs de risque sont : grossesse 1er et 2ème trimestre, âge entre 60 et 65, cancers solides de moins de 5 ans, hypertension artérielle pulmonaire, artériopathie périphérique, fibrillation auriculaire, maladie thromboembolique, polyarthrite rhumatoïde, lupus systémique, syndrome de Down, troubles démentiels, cirrhose du foie.

Les neufs associations co-requérantes sont :

Aider à Aider, destinée à aider les associations de patients en cancérologie et les malades.
AIDES est une association qui lutte avec les personnes vivant avec le VIH et les hépatites.
Cancer Contribution qui promeut la démocratie en santé en cancérologie.
ANDAR, Association Nationale de Défense contre la polyArthrite Rhumatoïde apporte information et soutien aux personnes malades et leurs proches.
Coopération Patients réunit des personnes impliquées dans la démocratie sanitaire.
France Lymphome Espoir, informe et accompagne les patients atteints de lymphome.
La Ligue contre l’obésité aide, soutient et accompagne les personnes souffrant d’obésité.
Renaloo, association agrée défend l’amélioration de la qualité des soins, de la vie et de l’accompagnement des personnes insuffisantes rénales, dialysées et greffées.
RoseUp Association informe, accompagne et défend les droits des malades de cancer.

Audition Comité Consultatif National d’Ethique

Coopération Patients a été auditionné le lundi 9 novembre par le Comité Consultatif National d’Éthique dans le cadre de sa saisine sur le tri des patients en période de pandémie.

Nous avons fait les propositions suivantes :

Un débat public et citoyen est éminemment nécessaire.

Nous ne proposons pas de solutions « toutes faites », mais nous plaidons pour qu’un cheminement collectif reposant sur des règles communes soit mis en place pour l’élaboration de l’ensemble des décisions qui devront être prises.

Il devra notamment s’appuyer les principes suivants :

– La collégialité et la transparence dans les prises de décisions et sur quels éléments, elles sont fondées

– Le refus du recours unique à des critères simplistes et/ou à des algorithmes

– La participation des usagers à l’ensemble des étapes

– L’harmonisation des pratiques sur le territoire

– La mise en œuvre d’une veille éthique dans tous les établissements de santé intégrant des représentants des usagers

– L’accompagnement des patients « laissés sur le côté » et de leurs familles, le respect de leurs volontés, la garantie de leur dignité y compris en fin de vie

– L’évaluation des conséquences des choix décisionnels et des pertes de chance, pour les personnes atteintes du Covid19 et pour les autres maladies, chroniques notamment

Pour lire le texte intégral de notre audition cliquez sur « télécharger ».

Déprogrammer les soins ? A condition de gérer les risques collectivement !

Voici que la deuxième vague d’épidémie de COVID-19 tant redoutée pousse de nouveau à déprogrammer les soins. Les causes de ce rebond épidémique sont multifactorielles et nous n’allons pas, au moment où un haut niveau de cohésion nationale est nécessaire, nous envoyer les responsabilités à la figure les uns et les autres. Essayons plutôt de ne pas répéter les errements du printemps.

Comme au cœur de la première vague, la déprogrammation des soins touche en priorité les malades chroniques, dont il faut rappeler qu’ils constituent un tiers de la population. Pas moins de 20 millions de personnes. Probablement une personne par famille pour marquer un peu plus les esprits s’il le faut. Nous parlons aussi bien d’interventions chirurgicales, d’examens complémentaires invasifs ou courants, de dépistages, de traitements. Nous parlons des cancers, des greffes, des maladies cardiovasculaires, neuro-dégénératives, etc. Nous n’oublions pas les situations aigues, comme en témoigne la diminution « spontanée » des diagnostics d’infarctus ou d’accident vasculaire cérébral au plus fort du confinement de printemps.

Mais au fait, pourquoi déprogrammer les soins ?

Une question qui peut paraître déphasée compte tenu du péril auquel nous sommes tous, collectivement, exposés. Pourtant, sommes-nous vraiment obligés d’acter la déprogrammation des soins ?  Faut-il se soumettre aux plans blancs dont on apprend par voie de presse que certains d’entre eux ont vocation à s’inscrire dans la durée ?

Se questionner n’est ni fracturer la cohésion sociale ni désunir la Nation. C’est au contraire poser les termes d’un débat auquel la société civile devrait avoir le droit de participer afin d’aboutir à des décisions concertées et socialement acceptables.

La déprogrammation des soins ne peut être envisagée qu’à un stade ultime, à la stricte condition d’avoir épuisé toutes les obligations de moyens visant à garantir le droit de chacun d’être dépisté et soigné dans les meilleurs délais. La déprogrammation, c’est la dernière cartouche à utiliser pour faire face, lorsque le constat d’impuissance est établi, et ce, de manière transparente, expliquée à tous.

Or, que savons-nous des moyens opérationnels qui sont mis en œuvre pour favoriser la coopération inter-hospitalière, inter-régions voire transfrontalière ? Sommes-nous certains que tout a été fait pour soutenir la permanence des soins et le personnel hospitalier que nous savons épuisé, au bord du burn-out pour certains ? Quelles garanties avons-nous au sujet du soutien à l’engagement médecine de ville ? Quid de la reconduction des consultations téléphoniques qui ont répondu à des besoins urgents au pic de la première vague ?

Ces réponses sont nécessaires car la déprogrammation, c’est la dernière branche de l’arbre décisionnel tant ses conséquences sanitaires seront dramatiques.

Les conséquences pour ces malades sont ravageuses. Deux situations l’illustrent concrètement : la cancérologie et les transplantations d’organe.


Dépistage, diagnostic et traitement des cancers ont subi l’impact majeur de la COVID 19 au plus fort de la première vague. Chaque hôpital, public comme privé, a vu des chirurgies déprogrammées (dont le cancer représente une majorité des actes). Même les centres de lutte contre le cancer, un temps « sanctuarisés », ont participé à l’effort général, accueillant des patients COVID-19 avec, puis sans cancer.

Les patients, s’ils ont continué à recevoir leurs soins indispensables, ont dû faire face à la disparition des soins de support et à la solitude de devoir consulter, ou être hospitalisés, sans accompagnement, solitude aggravée par la réduction de leur réseau de soutien personnel du fait du confinement.

Malgré des variations dans l’estimation des conséquences de ces retards de prise en charge, celles-ci sont réelles et n’ont sans doute pas fini de se faire sentir. Certains experts estiment ainsi que  la survie à six mois pourrait être diminuée de 30 % par un retard même modeste de prise en charge chirurgicale pour certains cancers agressifs en stade 2 (vessie, poumon, estomac, par exemple).  Une autre simulation statistique effectuée à l’hôpital Gustave Roussy estime entre 2 et 5 % la surmortalité à 5 ans liée aux conséquences de lapremière vague.

Il en va de même pour les activités de transplantation. Entre mi-mars et mi-mai dernier, au motif du risque sanitaire, les greffes rénales ont été arrêtées en France, tandis que les transplantations d’autres organes, jugées plus « vitales » se poursuivaient. Ainsi, sur cette période, environ 110 donneurs décédés ont été prélevés d’au moins un organe (cœur, foie, poumons, etc.), mais leurs 220 reins ont été laissés en place et donc perdus. Si l’on compare l’activité à celle de 2019 sur la même période, ce sont près de 600 greffes de rein qui n’ont pas été réalisées. Évidemment, les patients qui attendent une greffe de rein peuvent survivre, grâce à la dialyse. On a même pensé un moment qu’elle serait moins risquée face à la COVID-19 que le traitement immunosuppresseur destiné à empêcher le rejet de greffe. C’était sans compter les expositions répétées au virus à l’occasion des trois séances de dialyse hebdomadaires, impliquant de multiples contacts avec les transporteurs, les soignants, d’autres patients, ou des lieux potentiellement contaminés. Depuis le début de l’épidémie, près de 5 % (2 441) des patients dialysés en France ont été infectés par le coronavirus et 20 % de ceux-ci en sont morts. La majorité de ces contaminations a eu lieu durant la période de suspension de la greffe rénale. Les patients transplantés, eux, ont pu se confiner efficacement : moins de 2 % d’entre eux (768) ont été atteints.

Ces deux situations, cancer et greffe, sont emblématiques et bien documentées. Elles n’occultent pas toutes les autres pathologies chroniques, les insuffisances respiratoires ou cardiaques, les malades porteurs de pathologies rhumatologiques lourdes, les diabétiques au suivi dégradé, etc.

Pas question d’opposer les pathologies entre elles, de mettre en compétition les malades à privilégier contre d’autres, et c’est tout l’objet, précisément, de cette prise de position. Face à la deuxième vague et aux déprogrammations, massives et non concertées, déjà engagées, nous devons réagir collectivement pour participer aux choix qui sont faits.

  • Ces choix devraient être exposés aux Français.

En lieu de quoi, on nous expose une seule variable : rester sous la barre des 5 000 personnes admises en réanimation. Nul ne souhaite l’effondrement du système de santé. Pour autant, l’appel à la responsabilité des Français marcherait mieux si l’on exposait clairement l’ensemble des risques associés aux arbitrages politiques qui n’ont pour seule constante que celle d’être évolutifs. A cette exigence s’ajoute celle de transparence des obligations de moyens mis en œuvre par l’État et ses agences pour préparer le pire. Il ne s’agit pas uniquement de se protéger par le masque, le gel, la distance physique, la bulle sociale et les gestes barrières. Il s’agit aussi de faire en sorte que ceux d’entre nous qui sont affectés par une maladie chronique n’encourent pas de risque supplémentaire du fait d’une restriction des soins puisqu’aux termes de la Constitution « La Nation garantit à tous, (…) la protection de la santé ».

  • Ces choix devraient être éclairés.

Car ils exposent des tensions éthiques dont la population en général, et les usagers du système de santé en particulier, n’ont jamais pu prendre la mesure, car exclus de toute délibération. Si l’avis du Comité consultatif national d’éthique du 13 mars 2020 rappelle justement l’importance d’un « processus de décision politique s’appuyant sur l’expertise et la contribution de la société civile. », les actes n’ont pas suivi. Alors que les enjeux éthiques sont si nombreux, quelle prise en compte des vulnérabilités et des fragilités des patients nécessitant une continuité non négociable de leurs soins ? Comment réduire les risques liés à l’hétérogénéité des pratiques locales en matière de soins indispensables ou de priorités ?

Aux confins de l’éthique, quelle réflexion démocratique sur les causes de la saturation des hôpitaux et des réanimations dès l’entrée en deuxième vague, quand les promesses de l’été assuraient une sérénité retrouvée et une disponibilité en lits et en matériels sans précédent ? Négliger l’épuisement professionnel et le stress post-traumatique prévisible (jeunes soignants et étudiants envoyés au feu) n’est-il pas une question pertinente de l’éthique du soin ?

  • Ces choix devraient être discutés collectivement.

Décider en contexte d’incertitude est le défi de la moitié des décisions de santé. C’est encore plus vrai et plus aigu, devenant dès lors un enjeu central, en situation d’urgence ou de catastrophe sanitaire. La pandémie répond à ces deux critères. Comme l’État, le corps médical ne peut arbitrer seul sur les priorités de santé ; il lui est demandé de contribuer à exposer les enjeux médicaux en complétant sa propre expertise scientifique par la somme des regards des usagers, des citoyens et d’autres types d’experts (sociologues, éducateurs, etc.), en un mot de favoriser les conditions d’une démocratie en santé effective. En particulier dans un pays qui a inscrit comme un droit du patient, à l’article L. 1111-4 du Code de la santé publique, le principe de la prise de décision partagée. 

Mais comme nombre d’associations ou d’organismes l’ont relevé, pendant la COVID-19 la « démocratie sanitaire » à la française a été mise au rencart. Malgré les appels pressants du président du Conseil scientifique COVID-19 qui n’a de cesse, depuis le début de la crise, de rappeler le rôle clé de la société civile dans la gestion de cette crise sans précédent !

À l’échelle locale, les médecins doivent pouvoir expliquer aux patients les règles et les conditions dans lesquelles la déprogrammation sera faite (quelle surveillance, quelle suppléance en attente, etc.) et les risques afférents ? Pour cela, il leur faut créer et s’approprier des recommandations transparentes, en lien avec les patients et leurs représentants.

Pourtant, le plus souvent, ils n’en ont même pas l’occasion car la déprogrammation est décidée administrativement. Par exemple, au printemps, une part importante des patients en attente de greffe rénale n’ont même pas été informés de sa suspension (1), décision prise sans aucune participation de leurs associations !

  • Ces choix devraient être compensés.

Quelle suppléance des traitements pendant la deuxième vague ? Quelles actions d’évaluation et de traitement lors du retour à la normale ?  

Des recommandations ont été publiées pour garantir la continuité des greffes durant la deuxième vague, mais leur mise en musique sur le terrain se heurte à une inertie et à un défaut d’anticipation qui ne peuvent plus s’expliquer par l’effet de sidération provoqué par l’épidémie. Qui assumera la responsabilité de cette impréparation si, comme on le craint, elle conduit à nouveau à un recul majeur de l’activité de greffe et donc à des pertes de chances considérables pour les patients en attente ? Humilité, transparence et reconnaissance d’une impérieuse collégialité sont, ici encore, au cœur des leviers propres à éviter l’éternel bégaiement de l’histoire et de nos errances.

Bien au-delà d’enjeux strictement médicaux ou sanitaires, la pandémie Covid-19 convoque des questions dont la société tout entière a le droit de s’emparer. Les dilemmes posés sont d’ordre tout autant politique, sociologique, éthique, que médical. Tous les équilibres, en apparence stables jusqu’alors, sont ébranlés au point d’imposer avec brutalité des questionnements et, in fine, des choix inédits en dehors de périodes de guerre ou de médecine de catastrophe. Parce que faire face à une épidémie n’est pas une guerre et ne suscite pas semblable mobilisation manichéenne face à un ennemi identifié, l’urgence démocratique est d’actualité. Passée la sidération initiale (et encore…), la pandémie laisse une place pleine et entière à l’exercice de la démocratie en santé, de la démocratie tout court.

Nous n’avons que trop tardé à tirer collectivement les enseignements de la première vague avant la deuxième vague qui s’annonce comme un tsunami. Trop nombreux sont les malades évincés du système de soins, au nom de l’urgence mais sans discussion. Et sans compensation raisonnée. Ce n’est pas acceptable.  Nous devons travailler tous ensemble, en toute transparence, sur les modalités de répartition de ressources sanitaires mises à dure épreuve par le retour de la pandémie.


(1) Covid-19 and chronic kidney disease: It is time to listen to patients’ experiences”, BMJ, August 28 2020 https://blogs.bmj.com/bmj/2020/08/28/covid-19-and-chronic-kidney-disease-it-is-time-to-listen-to-patients-experiences

Le numérique au secours des patients ?

Nous voudrions le croire. Les planètes pourraient entrer en voie d’alignement.

A commencer par la planète « innovation ». Car même si le numérique se diffuse moins vite dans le système de santé que dans d’autres domaines, son alliance avec le médicament, le dispositif médical, la génomique et les nano-technologies forme un cocktail puissant pour changer la vie des malades autant que les exercices professionnels. Tous nos repères vont se trouver bouleversés dans la décennie à venir qui sera aussi celle de la massification des cas chroniques: il ne s’agira plus de séjourner à l’hôpital pour une durée limitée, mais de vivre longtemps, plusieurs décennies probablement, avec une maladie, à son domicile ou au travail, même s’il faudra parfois retourner à l’hôpital.

Les stratégies publiques commencent à prendre en compte l’équation numérique elle-même: 5 territoires de soins numériques (TSN), pour 1,5 millions de patients potentiels bénéficient de 80 millions d’euros d’investissements publics, et 14 projets de e-santé dotés de 23 millions d’euros constituent la première marche, sans doute trop timide encore, d’une conversion du système de santé aux outils du numérique pour remplacer ou moderniser des organisations de soins obsolètes, résoudre les défis de la communication ou encore ceux de la mauvaise répartition de l’offre de soins.

La contrainte économique va pousser plus loin les exigences d’efficience du système de soin. S’il y a trop de soins inutiles, 30% selon certaines études, soit 55 milliards d’euros de ressources potentielles tout de même, nous ne parvenons pas à réduire leur impact délétère sur la ressource disponible. La tarification à l’activité (T2A), introduite en 2004, est un puissant toxique qui pousse l’hôpital à réduire les durées moyennes de séjour pour faire « rentrer » plus d’actes techniques, opératoires pour tout dire, au détriment des prises en charges plus coûteuses en temps et en ressources humaines qu’exigent pourtant les maladies chroniques. Si l’on ne lève pas la contrainte des soins inutiles nous n’aurons jamais assez d’argent pour financer les innovations dont nous avons tant besoin: au détriment des patients. Or, le numérique est un adjuvant majeur sur la route de l’efficience de la dépense de soins.

Autre planète en voie d’alignement, la contrainte organisationnelle : les déserts médicaux se multiplient et faute d’outils de régulation pour mieux répartir les médecins sur le territoire, il faudra pratiquer plus de « télé »: télémédecine, télésurveillance, téléconsultation… Aujourd’hui le préfixe « télé », c’est le numérique.

Et la planète « patient » ? Les injonctions publiques ou les aspirations individuelles à la responsabilisation des patients ne peuvent prospérer qu’avec l’aide du numérique. Les associations de patients tentent de relever le défi: ici un Living Lab, ailleurs des bases de données reposant sur les promesses de la collecte et du traitement des données issues de l’expérience des patients dans leur usage des soins. On verra dans quelques semaines si la liste des lauréats de l’appel à projet initié par la Direction générale de la santé pour soutenir l’implication collective des patients traduira une préférence numérique maintenant souhaitable.

Mais l’implication des patients dans leurs soins repose aussi sur des promesses d’actions publiques qui ne passeront à l’échelle qu’avec le secours des technologies du numérique.

Ainsi, avec juste raison le projet de loi de modernisation de notre système de santé prévoit la création d’un service public d’information en santé. Bonne idée puisque nos inégalités sociales de santé sont puissamment liées à l’asymétrie d’information en santé entre les citoyens, malades ou non, et ceux qui prodiguent et organisent les soins. A cet égard, qu’attendent les français ? Un « GPS » du système de soin qui réponde à cette question: où être soigné au meilleur prix et avec les meilleures chances ? Pour l’instant les palmarès des hebdomadaires ne répondent que pour les hôpitaux.

Mais ils n’indiquent pas la performance par service. Et le citoyen reste sans information sur les autres segments de l’offre : médecine de ville et établissements médico-sociaux par exemple. Mais nous avons aussi besoin d’information de référence sur la prévention des maladies et leurs traitements dans un langage simple, non scientifique et non technicien. Tout cela, « GPS » et information de référence, doit résulter d’une logique utilisateur et pas d’une approche « descendante » comme on a eu coutume de le penser et de le faire. Or, le numérique permet des approches collaboratives et participatives de l’information en santé. C’est le moment de foncer en trouvant une institution pour porter cette logique nouvelle.

Ce projet de loi prévoit aussi un nouveau dossier médical « partagé » (DMP) et non plus « personnel ». Marisol Touraine a indiqué publiquement son choix d’un « Blue button » à la française. De quoi s’agit-il? De faire en sorte que le droit d’accès du patient à ses données médicales soit suffisamment convivial pour qu’il se saisisse de ces informations pour être le patient-acteur que tout le monde attend. Il ne s’agit donc pas de lui dire seulement qu’il peut accéder à son dossier par son compte Ameli.fr. Il s’agit de lui offrir, probablement au bout de son smartphone, la visualisation de ses données sous forme d’infographies ou de data-visualisation.

Ici encore, fonçons. Sinon, à quoi cela nous servira-t-il d’accéder à des données de notre DMP proprement incompréhensibles? Ce sera un deuxième échec du DMP: après le désintérêt des médecins, la désaffection des patients. Si l’on veut que le DMP soit désiré, il faut le rendre désirable: c’est à dire « facile à lire, facile à comprendre ». Le numérique, comme le montrent les solutions créées aux Etats-Unis, par exemple, répond à cet enjeu.

Nous n’avons pas que changé de siècle, nous avons surtout changé d’époque. Le numérique est un facteur de plus grande implication des citoyens et des patients dans les décisions individuelles ou collectives qui les concernent. Ne gâchons pas cette chance.

Tribune publiée dans le Huffington Post du 21/11/2015

Observance : Basta !

Capture d’écran 2015-10-07 à 15.55.03

L’observance : un sujet de politique publique  sous pression économique

C’est d’abord l’Etat qui  a envisagé de moduler le remboursement d’un dispositif médical en fonction de son usage plus ou moins régulier par le patient, avant que le Conseil d’Etat n’annule l’arrêté pour défaut de base légale.

Les industries de santé sont aussi à la manœuvre. Trouvant facilement les relais d’opinion pour avancer un coût supposé de la « non observance » à hauteur de 9 milliards d’euros. Chiffre dont un rapport de l’IGAS estime qu’il procède de « généralisations abusives à partir d’études partielles menant à des chiffrages peu vraisemblables mais très efficaces en termes de communication ».

Enfin, Les GéoTrouvetou du numérique sont également entrés dans la danse. Des start-up, au modèle économique aussi incertain que sont arrogantes leurs promesses, font valoir qu’un bracelet électronique sur chaque patient suffirait à remettre ces derniers dans le droit chemin. Pourtant, des travaux scientifiques ont montré que l’auto-mesure de surveillance, sans motivation ou sans accompagnement humain, ne fait pas progresser l’observance.

« La recherche de la base perdue »

Ce n’est pas Proust qui inspire notre triple alliance, « Etat, industries de santé et start-up du numérique », exigeant quelques lignes dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale pour donner une base légale au « télé-suivi » d’accompagnement à l’observance. C’est ainsi que se succèdent comme une litanie colloques et autres manifestations publiques autour de l’observance. Leurs programmes dissimulent maladroitement cette unique ambition : « Il nous faut une reconnaissance légale ! ».

Prudence : pas de solution sans la participation des malades

Si des solutions électroniques peuvent constituer une aide pour certains malades, prenons garde à ce que leur diffusion n’aggrave pas les inégalités sociales de santé. Nous en avons déjà suffisamment. Et surtout ne soyons pas dupes. En réduisant l’observance à des solutions de « rappel » de la prise de médicament, on continuera à regarder le patient comme un objet plutôt qu’un acteur à part entière de son traitement. Enfin, ce ne sont pas des puces électroniques qui règleront les deux causes fondamentales de la non observance : l’absence d’information du patient et le renoncement des médecins à la décision partagée. Deux acquis de la loi Kouchner toujours en panne !

Exigences : adhésion, co-construction et cahier des charges de l’accompagnement en santé

  • Commençons par capitaliser sur l’existant : car il y a tout de même des pharmaciens et des prestataires de santé à domicile en France. Mobilisons-les sur des bases nouvelles, avec les associations de patients, pour relever les défis de l’observance ou plutôt de l’adhésion aux traitements, formule bien plus appréciée des malades eux-mêmes !
  • A minima, les opérateurs d’un télé-suivi d’accompagnement à l’observance doivent être contraints à la co-construction de ces services avec les bénéficiaires eux-mêmes.
  • Enfin, l’accompagnement doit avoir un contenu : aucune base légale ne saurait fonder le télé-suivi d’accompagnement à l’observance sans se référer au code de la santé publique qui a prévu un cahier des charges de l’accompagnement en santé.

Puisque certains veulent donner une base légale au télé-suivi… si nous en parlions ? Au lieu, comme d’habitude, de la préparer en catimini sans les principaux concernés. Car, la loi ne peut pas satisfaire seulement des intérêts privés. Souvenons-nous : « La loi est l’expression de la volonté générale ». Certes, ça date de 1789. Mais c’est pas si mal.

Contacts presse :
– CISS : Marc Paris, mparis@leciss.org – 01 40 56 94 42 / 06 18 13 66 95
– Coopération patients : Yvanie Caillé, mail@yvanie.fr – 06 10 25 14 36
– [Im]patients, Chroniques & Associés : Jérôme Solletti, jerome.solletti@chronicite.org – 06 72 88 38 54

Lien vers le communiqué de presse du CISS

Assurance, droit à l’oubli : extension aux maladies chroniques et améliorations apportées par les sénateurs

Dans la nuit du mercredi 30 septembre au jeudi 1er octobre, les sénateurs ont voté, dans le cadre de la loi de santé, un amendement encadrant le droit à l’oubli, visant à faciliter l’accès à l’assurance, notamment dans le cadre de prêts immobiliers, pour ces personnes considérées comme « à risque aggravé de santé ».

Au départ destiné aux « anciens malades » du cancer, la mesure pourrait finalement avoir un champs d’application plus large, puisque le dernier alinéa de l’art L1141-5 précise que : « La convention prévoit l’extension des dispositifs (…) aux pathologies autres que cancéreuses, notamment les pathologies chroniques, dès lors que les progrès thérapeutiques et les données de la science attestent de la capacité des traitements concernés à circonscrire significativement et durablement leurs effets ». Une première liste de ces pathologies doit être publiée avant la fin de l’année. 

Dans le cadre du cancer, le droit à l’oubli devrait permettre aux patients dont le traitement est terminé depuis au moins dix ans (délai réduit à 5 ans pour les patients de moins de 18 ans et ceux dont « le taux global de survie nette à cinq ans est supérieur ou égal à celui des moins de 18 ans ») de contracter un contrat d’assurance ou un prêt à la consommation sans avoir à déclarer d’historique médical.

Une grille de référence va être mise en place, regroupant les données de survie à date, en fonction des progrès scientifiques. L’objectif est de tenir compte des avancées thérapeutiques et des données épidémiologiques pour une évaluation précise du risque.

Les sénateurs ont ajouté un autre amendement : les contrats ne pourront plus cumuler majoration de tarifs et exclusions de garanties. La mesure vise à mieux protéger les emprunteurs malades, qui se voyaient souvent imposer des surprimes considérables alors que les conséquences de leur pathologie étaient exclues du champs des garanties. Durant les débats, il a été rappelé l’existence de marges à hauteur d’environ 60 % pour les assureurs dans le domaine des risques médicaux aggravés, ce qui en fait une de leurs activités les plus rentables. 

Pour rappel, en France, la seule discrimination autorisée par le code pénal aux assureurs concerne l’état de santé. Par ailleurs les textes pourront encore être modifiés durant la suite du processus législatif de la loi de santé…

> Voir la tribune publiée au printemps dernier pour protester contre la restriction au cancer du droit à l’oubli

> Voir les débats en séance au Sénat sur le droit à l’oubli (article 46)

Les amendements votés :

I. – La section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la première partie du code de la santé publique est complétée par des articles L. 1141-5 et L. 1141-6 ainsi rédigés :

« Art. L. 1141-5. – La convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2 détermine les modalités et les délais au delà desquels les personnes ayant souffert d’une pathologie cancéreuse ne peuvent, de ce fait, se voir appliquer une majoration de tarifs ou une exclusion de garanties pour leurs contrats d’assurance ayant pour objet de garantir le remboursement d’un crédit relevant de ladite convention. La convention prévoit également les délais au delà desquels aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs pour les pathologies cancéreuses dans ce cadre.

« Le délai au delà duquel aucune information médicale ne peut être recueillie par les organismes assureurs ne peut excéder dix ans après la date de fin du protocole thérapeutique définie par l’Institut national du cancer.

« Ce délai est réduit à cinq ans pour toutes les pathologies cancéreuses survenues avant l’âge de dix-huit ans révolus et, au delà de l’âge de dix-huit ans, pour les localisations cancéreuses dont le taux global de survie nette à cinq ans est supérieur ou égal à celui des moins de dix-huit ans.

« Un décret en Conseil d’État détermine les informations médicales qui peuvent être demandées dans le cadre du formulaire de déclaration de risque mentionné aux articles L. 113-2 du code des assurances, L. 221-13 du code de la mutualité et L. 932-5 du code de la sécurité sociale afin de garantir le respect des droits définis au présent article.

« Un décret définit les modalités d’information des candidats à l’assurance relatives au présent article.

« Ces modalités et ces délais sont mis à jour régulièrement en fonction des progrès thérapeutiques.

« Les organismes assureurs doivent respecter, pour les opérations destinées à garantir les prêts entrant dans le champ de la convention nationale prévue à l’article L. 1141-2, les conclusions des études produites par la commission des études et recherches instituée auprès de l’instance de suivi et de propositions mentionnée au 10° de l’article L. 1141-2-1 ainsi que les délais définis par la grille de référence établie par ladite commission.

« Un décret en Conseil d’État définit les conditions d’application du septième alinéa du présent article ainsi que les sanctions applicables en cas de manquement à la présente obligation.

« La convention prévoit l’extension des dispositifs prévus aux deux premiers alinéas aux pathologies autres que cancéreuses, notamment les pathologies chroniques, dès lors que les progrès thérapeutiques et les données de la science attestent de la capacité des traitements concernés à circonscrire significativement et durablement leurs effets.

« Art. L. 1141-6. – Les personnes atteintes ou ayant été atteintes d’une pathologie pour laquelle l’existence d’un risque aggravé de santé a été établi ne peuvent se voir appliquer conjointement une majoration de tarifs et une exclusion de garantie pour leurs contrats d’assurance ayant pour objet de garantir le remboursement d’un crédit relevant de la convention nationale mentionnée à l’article L. 1141-2.

CASH INVESTIGATION et les dérives du système de Santé

Cash Investigation, le magazine qui « buzze » sur France 2 Télévisions et où on parle journalisme d’investigation et enquêtes rondement bien menées a encore sévi dans son dernier numéro intitulé « Santé : la loi du marché » ? Elise Lucet et son équipe se sont attaqués au système de santé français, de l’éternel trou de la Sécurité Sociale (plus de 11 milliards), de la dette des hôpitaux publics et des médicaments à l’efficacité contestée, en menant pendant un an une enquête dans cet univers.

Le constat devrait on dire le diagnostic est sans appel : notre système de santé va mal. En effet, au cours de l’émission on découvre les dérives des établissements de santé avec la tarification à l’activité (T2A), comment ces établissements sont prêts à facturer des actes inutiles sur les patients ou alors à faire appel à des sociétés prestataires privées qui pratiquent le « surcodage » et ainsi inventer des actes médicaux qui ne sont pas réalisés. Ces manoeuvres  permettent ainsi de gonfler les recettes des hôpitaux. On assiste incrédule devant son poste à une véritable fraude organisée en se demandant mais que fait le Ministère de la Santé. Les journalistes tentent en vain d’interroger Mme la Ministre ou Martin Hirsch, directeur de l’APHP qui bottent en touche lorsqu’on leur dit que ce genre de pratiques existe dans nos hôpitaux. Cette émission en quelques exemples révèle le vaste échec de la T2A, mode de financement des établissements de santé issu de la réforme hospitalière. Après les hôpitaux, on passe aux laboratoires pharmaceutiques où Cash Investigation enquête sur un hypocholestérolémiant Crestor®, les stratégies de mise sur le marché du laboratoire ASTRA ZENECA et leur succès en dévoilant comment des experts influents dénichés, sollicités, rémunérés se débattent dans leurs conflits d’intérêt pour justifier la prescription.

Coïncidence ou pas, cette émission est diffusée au même moment où la Loi Santé est discutée au Sénat, de la remise du rapport de la Cour des Comptes sur la Sécurité Sociale….

Voir la vidéo 

Remboursement conditionné à l’observance : l’IGAS dit non

La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a commandé voici quelques mois à l’Igas un rapport sur le thème de l’observance. En filigrane, une question sensible : faut-il pénaliser les malades qui suivent mal leur traitement, en arrêtant de les rembourser ?

Le sujet est polémique, le titre du rapport est resté technique et un brin technocratique : « Pertinence et efficacité des outils de politique publique pour faciliter l’observance ». En attendant qu’il soit rendu public, Eric Favereau, qui a pu y avoir accès, propose dans Libé du 10 septembre 2015 une analyse de son contenu.

La réponse de l’Igas est claire : «La mission recommande de ne pas lier le remboursement des soins à l’observance du traitement, même pour une faible part.»

> Voir l’article sur le site de Libération

« Chers confrères, mes tout petits… »

Un groupe d’internes en médecine a publié sur un blog un article très paternaliste et plein de préjugés sur les « trip-advisor de la santé ». Principale difficulté selon eux, la capacité des patients à évaluer la qualité des soins qu’ils reçoivent… Extrait :

Un TripAdvisor des services hospitaliers ? Mmmhhhh … La nouvelle me laisse perplexe. Finalement c’est une suite logique des choses : la médecine est devenue un produit de consommation, les patients se croient à l’hôtel lorsqu’ils sont hospitalisés (« Non j’aimerais plutôt aller au scanner après ma série TV » ou « Pas l’opération de l’appendicite maintenant, je chante ce soir à un concert ! » )… 

Nous avons décidé de reproduire ici la réponse magistrale d’un médecin, chef de service de réanimation d’un hôpital parisien, qui ne partage pas ce point de vue.

Merci Dr François Blot d’avoir si bien su exprimer votre indignation, qui est aussi la nôtre…

Et ben si, les gars : les malades pensent ! J’te jure… Ils ont des avis, ils s’informent, et pas seulement auprès de leur concierge puisqu’ils n’ont plus que des digicodes. Les patients ont un regard critique, et c’est heureux, une intelligence de personne humaine, d’être pensant. Moi aussi, je trouve ça dingue, mais il faut s’y faire. Et ce n’est pas seulement l’éclat de leurs œufs mimosa, la tiédeur du jambon-purée, la marque de cigarette dans le rideau (Hôpital sans tabac oblige) qu’ils évaluent. Non madame : les organisations (ou désorganisations) des soins les frappent au premier coup d’œil. L’accès à l’information et à la décision médicale partagée (P., A., R. …. C’est dans le dico, je vous laisse lire), l’humanité des soins, le respect de la personne, la participation au parcours de soin, la reconnaissance de l’expertise patient, le respect des procédures (quand on entre dans une chambre sans se laver les mains, ils s’en rendent compte. Si, si !), tous points, et bien d’autres, qu’il leur est loisible de juger. Penser que les malades « fuiront l’hôpital truc à cause de son papier peint » (sic) est une insulte à l’intelligence. A leur intelligence, mais aussi à la vôtre, qui ne ressort pas de ce papier comme une caractéristique première. Non plus que l’humanisme ou un soupçon d’empathie, mais cela vous importe-t-il plus que votre premier abaisse-langue (réutilisable)?

> Lire la suite sur le blog « Souriez, vous êtes soignés »